Ordinals, BRC-20: l'arrivée de nouveaux jetons sur Bitcoin
#16 Ordinals, BRC-20 et Bitcoin. Spéculation sans intérêt ou révolution ?
L'écosystème des crypto-monnaies ne cesse d'évoluer, et ces derniers mois, une nouvelle tendance a pris d'assaut le réseau Bitcoin : les Ordinals. Ce phénomène a suscité un intérêt sans précédent et a eu un impact significatif sur l'utilisation du réseau.
Les Ordinals sont des jetons non fongibles (NFT) déployés sur le réseau Bitcoin. Contrairement aux jetons fongibles, tels que les bitcoins eux-mêmes, les NFTs représentent des objets uniques et ne sont pas interchangeables. Chaque Ordinal est "inscrit" sur un satoshi, la plus petite unité de la monnaie Bitcoin, permettant aux propriétaires de prouver la propriété numérique de leurs satoshis et du contenu qui leur est lié, qu'il s'agisse de texte, d'images ou de code.
Pour celles et ceux qui ne le savent pas, le satoshi est la plus petite unité de mesure du Bitcoin, nommée en l'honneur de Satoshi Nakamoto, le pseudonyme de l'inventeur de Bitcoin.
Un satoshi équivaut à 0,00000001 Bitcoin. Cette petite unité permet d'effectuer des transactions de très faible valeur et facilite la divisibilité du Bitcoin, ce qui est essentiel pour assurer sa fonction en tant que monnaie numérique. Par exemple, si vous possédez 0,001 Bitcoin, cela équivaut à 100 000 satoshis.
Les Ordinals fonctionnent grâce à un protocole décentralisé qui permet l'enregistrement et la vérification des inscriptions sur la blockchain Bitcoin. Chaque inscription est liée à un numéro unique, qui est attribué dans l'ordre dans lequel les satoshis sont minés. Ce protocole permet une traçabilité et une vérifiabilité de l'authenticité des Ordinals.
Les utilisateurs peuvent créer et échanger des Ordinals en effectuant des transactions Bitcoin spéciales, qui incluent des données supplémentaires pour décrire l'objet représenté par l'Ordinal. Ces transactions permettent de transférer la propriété d'un Ordinal d'un utilisateur à un autre, tout en maintenant l'intégrité et l'unicité des données inscrites sur le satoshi correspondant.
L'impact des Ordinals sur le réseau Bitcoin
L'adoption croissante des Ordinals a entraîné une augmentation du nombre de transactions quotidiennes sur le réseau Bitcoin. Cette hausse a provoqué une congestion importante de la mempool, l'espace où les transactions en attente de validation sont stockées. Les utilisateurs doivent alors patienter plus longtemps pour que leurs transactions soient confirmées, ce qui peut être particulièrement problématique pour les transactions sensibles au temps.
En raison de la congestion du réseau, les frais de transaction ont explosé. Certains blocs minés sur Bitcoin ont un total de frais dépassant les 6,36 BTC (approximativement $178,080), ce qui dépasse même la récompense de 6,25 BTC que reçoivent les mineurs lors de la création d'un nouveau bloc.
Les mineurs, rémunérés par le réseau, sont les grands gagnants de cette explosion des frais de transaction. Les utilisateurs, quant à eux, subissent cette augmentation. Une transaction Bitcoin, qui coûterait en temps normal quelques centimes de dollars, atteint actuellement entre $15 et $30.
Cette augmentation des frais pourrait, à terme, décourager certains utilisateurs d'utiliser la blockchain pour des transactions de faible valeur ou des micropaiements.
L'engouement pour les Ordinals a relancé le débat sur leur utilité réelle. Certains voient dans les Ordinals une extension naturelle des fonctionnalités de Bitcoin, offrant des cas d'utilisation supplémentaires au-delà de ses fonctions de réserve de valeur et de moyen d'échange. D'autres estiment que les Ordinals sont inutiles et pourraient même nuire à la stabilité et à la sécurité du réseau Bitcoin. En effet, le réseau Bitcoin a été inventé pour un seul cas d'usage, celui de système de paiement numérique (et décentralisé). L'arrivée des Ordinals surcharge le réseau avec des inscriptions "inutiles".
Les développements liés aux Ordinals
Les développements liés aux Ordinals ont ouvert de nouvelles possibilités en matière de création et de partage d'art numérique. Les artistes peuvent désormais "inscrire" leurs œuvres d'art sur des satoshis, les transformant en NFT uniques et échangeables. Cela a conduit à la création de marchés en ligne dédiés, où les collectionneurs et les amateurs d'art peuvent acheter, vendre et échanger des œuvres d'art numériques basées sur les Ordinals, tels que ordinalswallet.com.
Les Ordinals ont également permis l'apparition des BRC-20, qui sont des jetons évoluant sur Bitcoin, similaires aux ERC-20 sur Ethereum. Les BRC-20 offrent des fonctionnalités supplémentaires pour les développeurs qui souhaitent créer des applications décentralisées (dApps) sur le réseau Bitcoin. Le principal site pour se procurer ces jetons est unisat.io.
Les jetons BRC-20 ont connu ces derniers jours une adoption croissante. Cependant, la majorité de ces jetons ne servent pour le moment à rien d'autre qu'à la spéculation.
Le site BRC-20.io permet d'observer l'évolution de ces jetons. On peut constater qu'après quelques semaines, plus de 14 200 ont été créés et que la capitalisation totale des BRC-20 approche du milliard de dollars, avec un volume de transactions de plus de 10 millions de dollars au cours des dernières 24 heures.
L'achat de ces jetons nécessite de passer par Unisat.io et n'est pas à la portée des novices. C'est pourquoi, ces dernières heures, plusieurs gros échanges tels que Crypto.com et Gate.io ont ajouté le token "$ORDI", qui est passé en quelques semaines de 0 $ à 25 $.
SegWit et Taproot : la porte ouverte aux Ordinals
La mise à jour Segregated Witness (SegWit) est une mise à jour du protocole Bitcoin lancée en 2017 et destinée à résoudre les problèmes de scalabilité et d'évolutivité du réseau. SegWit sépare les signatures numériques (les témoins) des transactions, permettant ainsi d'augmenter la capacité des blocs et d'améliorer la vitesse de transaction. Cette mise à jour a également permis de résoudre le problème de malléabilité des transactions, facilitant ainsi le développement de nouvelles solutions d'évolutivité, telles que les canaux de paiement bidirectionnels et les sidechains.
Cette augmentation de la taille de bloc est la première porte d'entrée ayant permis la création des Ordinals.
La deuxième porte d'entrée est la mise à jour Taproot, activée en novembre 2021.
Taproot améliore la confidentialité, l'évolutivité et la flexibilité des transactions sur la blockchain. Taproot permet aux parties d'une transaction de coopérer pour rendre les transactions complexes plus simples et plus digestes à visualiser. En masquant les détails des transactions complexes et en les faisant apparaître comme des transactions de personne à personne, Taproot facilite la création et la gestion d'actifs numériques tels que les Ordinals.
En utilisant les fonctionnalités de Taproot, les Ordinals peuvent inscrire des données, telles que des textes, des images et du code, sur les satoshis de manière plus efficace et moins coûteuse. Cela permet aux Ordinals de fonctionner comme des NFT sur la blockchain Bitcoin, tout en tirant parti des améliorations apportées par la mise à jour Taproot.
Il est important de noter que, bien que Taproot facilite l'utilisation des Ordinals, cette mise à jour n'a pas été spécifiquement conçue pour les Ordinals. Les Ordinals exploitent simplement les améliorations apportées par Taproot pour offrir une nouvelle fonctionnalité sur la blockchain Bitcoin. C'est justement pour cette raison qu'une partie des utilisateurs du réseau Bitcoin demande la mise en place d'un "fork", afin de bannir l'utilisation des Ordinals qui, selon eux, n'auraient jamais dû exister.
Les préoccupations de certains membres de la communauté Bitcoin
L'un des principaux problèmes soulevés par certains membres de la communauté Bitcoin concerne la centralisation potentielle et les problèmes de sécurité qui pourraient découler de l'utilisation des Ordinals. Certaines solutions d'évolutivité, comme les sidechains et les canaux de paiement bidirectionnels, peuvent favoriser une centralisation accrue, ce qui pourrait potentiellement compromettre les principes fondamentaux de décentralisation sur lesquels repose Bitcoin.
Plus globalement, la majorité des détracteurs de ce nouveau phénomène reprochent aux Ordinals de ne pas respecter le but premier de la blockchain Bitcoin, qui est censé être un système de paiement électronique et autonome (décentralisé) et rien d'autre. Selon eux, les Ordinals congestionnent inutilement le réseau Bitcoin et le remplissent d'informations inutiles, augmentant ainsi inutilement sa taille et pouvant à terme porter atteinte à la sécurité du réseau. Pour eux, d'autres solutions de seconde couche ou d'autres blockchains ont vocation à permettre l'utilisation d'applications décentralisées.
L'adoption croissante des Ordinals soulève également des préoccupations quant à l'impact environnemental de la technologie blockchain. Les Ordinals, en ajoutant de nouvelles fonctionnalités et applications au réseau Bitcoin, augmentent la demande en énergie et les émissions de carbone associées à la validation des transactions et à l'extraction de nouveaux blocs.
Enfin, les Ordinals et les NFT peuvent être sujets à la spéculation et à la volatilité des prix, ce qui pourrait affecter la stabilité et la perception du marché des cryptomonnaies en général. Des bulles spéculatives et des fluctuations rapides des prix pourraient dissuader de nouveaux utilisateurs d'adopter la technologie et de l'utiliser pour des transactions quotidiennes, et donner aux détracteurs du secteur un nouvel argument d'attaque.
D'autres membres de la communauté défendent l'utilisation des Ordinals, rappelant que Bitcoin est un outil libre et décentralisé, appartenant à tous. Selon eux, les Ordinals respectent les règles d'utilisation du réseau car ils se basent sur des fonctionnalités déjà existantes depuis plusieurs années, présentes depuis les implémentations de SegWit et Taproot. Pour eux, le principe de Liberté est une valeur absolue de Bitcoin et toute forme de censure et d'interdictions doit être proscrite, quelqu'en soit la raison.
Ce débat est compliqué à trancher. Beaucoup d'utilisateurs du réseau sont partagés car, selon moi, tous ces arguments sont recevables.
Je pense personnellement que Bitcoin n'est pas fait pour cela et n'a pas vocation à héberger des applications, encore moins des NFT et des "memecoins". Bitcoin est uniquement censé être un système de paiement libre et résistant à toute censure. Malheureusement, je pense également qu'on ne peut pas reprocher aux développeurs et utilisateurs d'Ordinals d'utiliser le réseau, car le réseau leur permet d'effectuer ces opérations et il appartient à tout le monde. Et c'est justement là où se trouve la difficulté du débat. Faut-il tout laisser faire ou restreindre ? La restriction étant l'opposé des valeurs libertariennes que porte Bitcoin.
Selon moi, il est malheureusement un peu tard pour se poser ces questions. Le problème vient principalement des mises à jour SegWit et Taproot qui ont ouvert la voie aux Ordinals. En 2017 déjà, le désaccord résultant de la mise à jour SegWit a provoqué une scission de la communauté et la création d'une blockchain parallèle, le Bitcoin Cash.
La communauté étant partagée sur ce nouvel usage, le risque d'un nouveau fork et d'une nouvelle scission du réseau Bitcoin est dans toutes les discussions.
C'est ainsi que se termine cette newsletter. J'espère qu'elle vous a plu.
Les Ordinals représentent une innovation incontrôlée de l'écosystème Bitcoin qui, normalement, évolue lentement. Cette innovation offre de nouvelles possibilités pour les utilisateurs et les développeurs. Son impact sur le réseau soulève des préoccupations légitimes, avec d'un côté des partisans de la décentralisation et du "laisser-faire", et de l'autre des partisans de l'interdiction de ce nouvel usage.
Chacun aura son propre avis sur la question. N'hésitez pas à me partager le vôtre !
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